RENAISSANCE Reviews
SEQUENTIA LEGENDA : l'héritage de la Berlin School
Laurent Schieber est Alsacien et il est passionné par le style berlinois. Il réexplore les traces laissées par les grands pionniers que sont Edgar Froese, Klaus Schulze et Manuel Göttsching pour ne citer qu'eux. Depuis les seventies, de nombreux groupes ont revisité la veine le plus souvent avec bonheur et inventivité. C'est bien sûr aussi le cas de Laurent que nous avons invité à se confier dans ce numéro dont la rubrique lui est entièrement consacrée. Découverte d'une nouvelle étoile de la galaxie e-music !
Avec son petit dernier, Over There, sa discographie affiche aujourd’hui six albums sans compter ses participations aux albums collectifs comme celui réalisé en hommage à Edgar Froese disparu en 2015 : Legacy and Evolution – A Tribute to Edgar Froese. Ajoutez-y les versions « expérimentales » ou « exclusives » de ses propres titres pour compléter son palmarès. Over There est le fruit d’un long travail constant et minutieux servant les explorations sonores qui allient les pads éthérés et les séquenceurs cristallins en mouvances célestes amenant le mélomane vers les contrées inexplorées de son imaginaire.
PR : D’où vient le nom « Sequentia Legenda » ?
SL : C'est une longue histoire. J'avais une interminable liste de noms et de suggestions. Parmi toutes les possibilités, je n'avais pas vu la combinaison sequentia + legenda. C'est ma femme qui m'en a fait part ! Je trouve que le latin fait rêver et apporte une touche mystique collant parfaitement à ma musique. Le mot légende apporte lui aussi cette touche mystique. Sequentia parle de lui-même : séquence, une suite, une succession. Le hasard fait parfois bien les choses, puisque en plus « S » et « L » sont mes initiales :-)
PR : Raconte-nous ton coup de foudre pour la Berlin School.
SL : Ma passion remonte à 1980, j'avais 15 ans. En explorant la collection de vinyles de mes parents, j'ai découvert une pochette qui m'a interpellé. C'était l'album Mirage de Klaus Schulze. Le saphir à peine posé sur le disque, ce fut pour moi le coup de foudre ! Tout a démarré dès cette première écoute. J’ai alors entrepris mon périple musical en autodidacte. Je me suis d’abord informé au sujet de cet étrange instrument nommé « synthétiseur ». Il faut dire, qu'à cette époque, des bizarreries circulaient à son sujet, tel que : « c'est un filtre que l'on place devant les enceintes », « c'est un orgue amélioré » ou alors « il suffit d'appuyer sur un bouton et tout se fait automatiquement ».
PR : Blue Dream t’a propulsé sur la voie électronique ! Quelques mots au sujet de ce premier album ?
SL : C’est en 2014 que j’ai véritablement franchi le cap en mettant ma musique au grand jour avec cet album. Je ne m'attendais pas à un tel retour de la part du public ! Même si je suis d’un naturel spontané, le processus de création et de réalisation de cette pièce a été long. De nombreux facteurs sont à l'origine de cette évolution. Je savais ce que je voulais faire, quelle ambiance je voulais créer : un mélange de nostalgie et d'espoir. Il m'a fallu près de seize mois pour terminer Fly Over Me. Je suis exigeant et parfois cette exigence peut être chronophage. Les deux bonus suivirent quelques mois plus tard et finalement la version numérique fut accompagnée de la version physique. Le superbe accueil qui fut réservé à mon album me donna l’impulsion pour poursuivre dans cette voie.
PR: A propos d’Au Revoir qui figure sur notre compile ce trimestre, comment t’es venue cette composition? Un hommage à Edgar Froese si je ne me trompe?
SL: Je m’en souviens comme si c’était hier. Il est tard, nous sommes le 20 janvier 2015 et je travaille sur Blue Dream qui est encore dans sa version une piste de 33 minutes : Fly Over Me. Une piste divisée en 10 parties. Le concept était d’extraire deux parties et d’en faire deux titres afin de finaliser mon premier album. Subitement j’ai l’impression de perdre mon travail! Je ne comprends pas ce qui se produit. Je tente de me calmer, je respire fort, je relance mon ordinateur. Par déduction, je trouve la solution. Ce qui est étrange, c’est que je ressens à ce moment-là une sorte de chaleur, une présence qui sera persistante pendant de longues minutes. Spontanément, une idée surgit : celle d’extraire une nouvelle partie de Fly Over Me, en l’occurrence la 9 : Au Revoir, afin de tester ma configuration. Le temps passe vite lorsqu’on compose. Je suis alors « seul », il est 2 heures du matin; la « présence » n’est plus là. Je me couche. Le lendemain, j’apprends la triste nouvelle au sujet d’Edgar Froese !
Le 12 avril, Rebekkah Hilgraves (musicienne et modératrice d’une émission radio en Californie) me contacte et me demande si je suis disposé à me joindre in extremis à son projet Legacy and Evolution : A Tribute to Edgar Froese alors que celui-ci est quasiment bouclé. Cela faisait quelques semaines que de nombreux musiciens avaient pris part à cet hommage. Rebekkah me fait une demande particulière : elle souhaite que je compose un titre spécialement pour cette occasion. En bon gentleman, j’accepte le challenge de composer en un temps record. Je repensais à l’étrange nuit, à la partie 9 de Fly Over Me, Au Revoir. C’était comme si l’histoire avait déjà été écrite! Comme si c’était une évidence : Au Revoir était prédestiné à Edgar Froese ! C’est ainsi que ce titre voit le jour en quelques semaines. Ce fut mon hommage pour ce grand musicien.
PR : Concernant ta musique, peut-on parler d'une certaine renaissance de la Berlin School ? En quoi ta vision diffère-t-elle de celle des pionniers ?
SL : Je n'ai pas la prétention de dire que ma musique soit une renaissance de ce mouvement musical, d'autres musiciens contribuent à sa pérennité. J'ai un profond respect pour les membres fondateurs tels que Klaus Schulze ou le regretté Edgar Froese, qui ont su en leur temps et à leur manière faire naître la Berliner Schule. J'ai ma propre vision de la Berlin School, épurée, un retour aux sources. Je veux aller vers l'essentiel et proposer des univers sonores ou l'auditeur peut librement découvrir les perles soniques qui s'y cachent. Les solos ne sont toujours pas ma priorité. Je veux laisser « respirer » mes compositions. C'est au travers de l'atmosphère globale et de toutes ses subtilités que l'on peut percevoir toute ma sensibilité. Si je peux apporter ma pierre à l'édifice de cette belle mouvance musicale alors j'aurai finalement réussi mon pari. C’est un plaisir de pouvoir partager à ma manière toute la richesse de ce style musical et de le mettre au goût du jour.
PR : Quelques mots à propos des instruments que tu utilises.
SL : En ce qui concerne mon équipement, j'ai connu trois étapes. La première, lorsque j'avais entre 16 et 22 ans, où j'avais un arsenal de machines analogiques : PS3200 Korg, ARP Odyssey, Polymoog, Oberheim Two Voices, MS 20 et SQ10 Korg, Vocoder Roland, chambre d'écho RE201 Roland, Crumar Multiman S pour ne citer que les principaux. Avec l'arrivée du MIDI, je me suis séparé de mes instruments au profit des synthétiseurs numériques : DSS1 Korg, JD 800 et D110 Roland, TG77 Yamaha, Microwave Waldorf, K1M Kawai, entre autres. Le tout piloté par un Atari STF accompagné de mon premier logiciel de MAO : Steinberg Pro24.Aujourd'hui, mon équipement est composé de nombreux VST's (virtual synthesizers). Les VSTs offrent une grande souplesse d'utilisation et j'arrive à trouver des sons similaires à ceux de mes anciens synthétiseurs. J'apprécie la collection Arturia, en particulier le Minimoog et l'émulation Modular Moog. Je suis très attaché à cette belle ère analogique des années 70. Je prends beaucoup de plaisir à travailler avec les VST's. Le rendu sonore est grandiose dès que l'on prend le temps et le soin d'optimiser certains paramètres. La place pour la spontanéité reste intacte et l'improvisation est toujours possible avec un peu d'ingéniosité. Le Moog Modulaire d'Arturia et son superbe séquenceur ainsi que les différentes approches sonores de cet instrument me procurent beaucoup de plaisir lors de mon travail. Ses filtres sont une source de création illimitée et, avec une automatisation subtile, il est alors possible de nuancer les résonances afin d'obtenir des boucles qui évoluent dans le temps ! Le filtre Formant (qui n'existait pas sur l'instrument de base) est un outil précieux pour diversifier encore d'avantage les modulations sonores des séquences. Il n'est pas exclus que je « marie » les instruments virtuels avec les synthétiseurs « réels » à moyen terme. Une histoire à suivre...
PR : Le séquenceur est omniprésent dans toutes tes compositions.
SL : Un de mes outils de prédilection est en effet le séquenceur. J'arrive grâce à lui à mettre en lumière mes boucles. Dans cette phase de travail, je suis comme un sculpteur qui, note après note, sculpte la séquence en travaillant la matière sonore avec rigueur, sensibilité et patience. La mise en place des lignes séquentielles est souvent chronophage, mais c'est le prix à payer pour obtenir un résultat qui soit conforme à mes attentes. Je suis une personne exigeante, cherchant à faire de son mieux pour obtenir le maximum. Le séquenceur, les séquences, sont les piliers de ma structure. Ma vision du séquençage : des boucles en perpétuelle évolution.
PR : Tu collabores à d’autres projets où viennent se joindre d’autres musiciens. Je pense que tu as déjà travaillé avec Tommy Betzler ?
SL : La collaboration est, en soi, une expérience unique, un échange, une communion. Deux univers sonores qui se rencontrent. J'ai eu en effet le grand plaisir de collaborer avec le batteur Tommy Betzler. Son expérience de l'école de Berlin (il a joué avec Klaus Schulze dans les années 80) a été enrichissante pour moi. Le dialogue entre nous se déroule dans une grande simplicité. C'est ainsi que Tommy et moi avons collaboré sur Extended (double album 2016), Ethereal (2017) et enfin sur Over There (2019). Il en a été de même pour la collaboration avec Jean-Luc Briançon (alias Kurtz Mindfields) pour le titre : Out of the Silence (Renaissance 2015). Nos deux univers musicaux, lui avec ses instruments analogiques et moi avec mes synthés virtuels, se sont mis en symbiose pour offrir un titre dans la plus pure tradition de la musique planante. Une communion pour une Berlin School « à la française » :-) Je collabore aussi à un livre commémoratif sur Apollo. Il s'agit d'un livre à lire et à écouter. Mon titre Solitudes Lunaires à été retenu pour la bande son.
PR : Tu te produis en concerts et tu participes à des festivals. Quelques dates prévues ? Quelle est ton approche du « live » ?
SL : Pour moi, le studio et le live sont deux choses totalement différentes. En studio, je passe des heures à créer et composer, c'est un environnement familier. J'ai mes routines, mes repères, qui me permettent d'évoluer sereinement en fonction de mon inspiration. Jouer en live, c'est autre chose. Voyager, rencontrer le public, partager un moment ensemble. Je prépare mes titres pour qu'ils puissent être exploités sur scène. Je donne donc la parole aux effets, aux solos et à l'improvisation. J'ai besoin de quelques points de repère même si au fond de moi, je sais qu'il y aura forcément des impondérables. Le contact avec le public est quelque chose d'unique, c'est une expérience enrichissante. J'ai eu l'honneur de pouvoir évoluer en Allemagne lors du festival Winnies Schwingungenparty. J’entrevois prochainement un concert intimiste en Suisse. Le 7 juin 2019, je serai en concert à Nantes (avec Tommy Betzler) à l'occasion du Synthfest. Pour 2020, un concert dans un planétarium est à l'étude.
PR : Over There est ton sixième opus. Un album en gestation depuis 35 ans et qui vient tout juste de voir le jour! Pourquoi ce long délai ?
SL : L'origine de ce projet remonte à 1984, lorsque j'avais 19 ans et j'étais entouré de mes instruments analogiques. A l'époque, nous étions à la fin de l'ère analogique et le standard MIDI avait été introduit. Mes parents m'avaient permis de monter mon home studio et je rêvais de faire un album, un disque appelé Over There. J'ai même créé une bannière en tissu avec un concept de couverture d'album. Et finalement, trente-cinq ans plus tard, j'ai eu la chance de pouvoir réaliser mon rêve. Pour ce faire, j'ai utilisé les instruments d'aujourd'hui. Les synthétiseurs virtuels ont été choisis avec soin pour créer un prolongement de l’atmosphère de la période classique de l'école de Berlin du milieu des années 70 au milieu des années 80. Depuis 1984, il s’est passé beaucoup de choses dans ma vie où la musique n’était plus prioritaire. Avec les instruments virtuels, je m’y suis remis avec le challenge de reprendre cette idée de jeunesse et de la mettre en lumière avec les instruments actuels tout en respectant le grain sonore de l’ère analogique. Mon projet de jeunesse est devenu réalité !
PR: Malgré tout ce temps passé, tu as même conservé le titre choisi à l’époque.
SL: Oui, le titre Over There reste plus que jamais d’actualité. Il symbolise l’altitude, le lointain, l’espace et ses mystères. Prendre de la hauteur, planer et apprécier sereinement la musique.
PR : D’une manière générale, quelles sont tes sources d'inspiration ?
SL : Les sources d'inspiration peuvent venir d'une image, d'un son, d'une atmosphère. J'aime aussi m'inspirer de romans, de légendes, d'illustrations. Le vécu est bien sûr un facteur qui va interagir avec la sphère créative. Pour moi, l'inspiration est une lumière qu'il faut arriver à visualiser au bon moment, une influence. Elle peut être éphémère, imprévisible. Il faut alors saisir cette lumière, cet instant sans essayer de l'emprisonner et voler avec elle, se laisser aller vers une inspiration totale. Puis, finalement, accepter de la laisser repartir pour qu'elle revienne d'une autre manière, un autre jour.
PR : A propos d’images, je crois que tu réalises toi-même le artwork de tes albums ? Le dernier est tout simplement splendide !
SL : C'est vrai. J'ai toujours aimé l'art, le dessin, la peinture notamment. J'ai peint des toiles, des fresques et même personnalisé des voitures à l'aérographe ! Je trouve qu'il y a beaucoup de similitudes entre la peinture et la musique. Comme un peintre, j'utilise une palette sonore pour peindre ma toile. Puis, de façon progressive et avec beaucoup de sensibilité, je souligne certains détails, je maximise certains contrastes, je mélange les couleurs pour donner forme et vie au panorama sonore. Lorsque je travaille sur un nouvel album, lorsque je compose, j'imagine une ambiance graphique. Il est important à mes yeux que la mise en pages soit représentative du contenu sonore. Tout comme ma musique, mes illustrations sont « sérieuses », cosmiques, spirituelles.
PR : Parmi toutes tes compositions, souhaites-tu nous parler de l'une d'elles en particulier ?
SL : Floating Time (ex. Over There) est représentatif de mon univers musical, incluant les instruments mythiques du milieu des années 70 au milieu des années 80, une période que j'apprécie particulièrement pour sa créativité, pour le grain sonore analogique. La trame sonore est en perpétuel mouvement, un peu comme la mer. C'est de la «Floating Berlin School» ;-) Les lignes séquentielles se construisent et se déconstruisent perpétuellement au fil de cette composition laissant émerger les lignes mélodiques du Solina et les chœurs du Mellotron. La modulation en anneau produisant des éléments naturels comme le tintement de la cloche que l'on entend au début, le bruit des vagues et les grondements sous-marins et des cieux.
PR : Il me semble que chaque album raconte une histoire. Y en a-t-il un qui te tient plus particulièrement à cœur ?
SL : Il n'y a pas vraiment d'album « privilégié », c'est chaque fois une nouvelle aventure, une nouvelle expérience. Il faut à chaque fois pouvoir se sublimer, se renouveler tout en restant dans une certaine mesure en adéquation avec le style global de la Berlin School. Chaque album à sa propre histoire en effet, son propre vécu. Je vois ma musique comme une invitation, un partage, comme mon langage exprimant mes émotions et qui parle au cœur et à l'âme de l'auditeur.
PR : Que souhaites-tu surtout communiquer à travers ta musique ?
SL : Finalement, je dirais : ma sensibilité ! Ma perception et mon ressenti des choses sont fortement amplifiés ! C'est parfois difficile à vivre pour moi et pour mon entourage. Je suis souvent à fleur de peau et j'ai du mal à cacher mes émotions que je libère en peignant, en écrivant, en composant et en faisant beaucoup de sport. C'est un besoin : partager, communiquer, me libérer. Tout récemment, c'est le diagnostic sur l'autisme de mon fils cadet qui m'a grandement touché et qui a mis mes émotions à rude épreuve. Outre son handicap, Valentin me donne beaucoup d'amour et je suis fier de lui, il m'a ouvert les yeux sur beaucoup de choses. Lui aussi est doté d'une grande sensibilité.
PR : Les comparaisons avec l'emblématique Klaus Schulze reviennent souvent à l’esprit. Comment vis-tu cela ?
SL : Je suis naturellement flatté et fier de pouvoir lire tout ce qu'il se dit sur moi et sur ma musique, toutes ces comparaisons avec Klaus Schulze. Et qui ne le serait pas ? Cependant, j'ai ma propre personnalité, ma propre vision de l'école de Berlin et assez de sensibilité pour faire rayonner mes propres émotions à travers mes titres. Je crois que si l'on joue la musique qui provient de son cœur et de son âme, alors les auditeurs percevront cette musique comme authentique et sincère. Je suis tout simplement heureux de pouvoir partager ma propre vision musicale, de procurer une part de rêve, un moment de détente et d'évasion.
PR : Peux-tu nous parler de ton processus créatif, de ta façon de composer ?
SL : Quand je démarre un projet musical, j'ai une idée globale, un fil conducteur qui peut provenir, comme je disais plus haut, d'une image, d'un titre, d'un souvenir, d'une émotion ou d'un son. Le début d'un nouvel opus est un moment important, chaque fois unique et particulier. C'est une nouvelle histoire qui s'écrit, qui se développe avec sensibilité, minutie et passion. Je me donne toujours un peu de temps entre deux albums, jusqu'à ce que le moment venu, je ressente une attirance très forte qui me propulse devant les claviers et me permet ensuite de libérer mes impulsions créatives. C'est parfois comme un appel auquel je réponds présent en composant de manière instinctive et sans voir passer le temps. Je me sens bien lorsque je suis dans ma « bulle » créative, le temps n'a pas d'emprise sur moi, je suis dans mon monde, l'imaginaire m'aide à tisser la toile de mon paysage sonore. Il m'arrive d'imaginer des notes, des séquences, une atmosphère, une couleur musicale. Marcher dans la forêt avec mes enfants, par exemple, stimulera ma sphère créative. La créativité est un état d'esprit. Je ne la calcule pas, je la laisse venir et je me laisse aller au gré de mes inspirations pour vivre pleinement ma créativité.
PR : Tes titres ont une durée moyenne de 20 minutes voire même plus pour certain. Est-ce un choix délibéré qui s’impose, une facilité ou une sorte d’obligation ?
SL : Il n'y a aucune obligation, c'est juste une évidence pour moi de composer ainsi. Il me faut un certain temps pour pouvoir m'exprimer librement, pour placer les perles sonores le long de fil conducteur de ma trame musicale. J'ai besoin de ce temps pour libérer l'ensemble de mes émotions. Personnellement, je crois qu'il faut un certain laps de temps pour que l'auditeur puisse s'évader afin d'oublier tout ce qui l'entoure et ainsi s'immerger totalement dans mes univers sonores. Une vingtaine de minutes est une durée qui me semble appropriée pour vivre de manière optimale ce genre de voyage musical. Il est essentiel pour moi que l'auditeur puisse s'immerger progressivement afin de pouvoir profiter au mieux de la découverte sonore qui lui est proposée. Ma musique nécessite plusieurs écoutes pour en découvrir et en apprécier toutes les subtilités qui se dévoilent lors de l'exploration de mes paysages sonores. Je ne sais pas si c'est une facilité, je crois simplement que c'est normal pour moi de composer ainsi, je ne suis pas à calculer avec le temps, je laisse mes émotions et ma sensibilité s'exprimer et me guider au gré de la phase créative. Tenir en haleine l'auditeur sur une certaine durée est finalement un beau challenge.
PR : Si tu devais définir ta musique au delà du terme « Berlin School » ?
SL : Je dirais qu'elle est sérieuse, nostalgique, sincère, qu'elle est à contre-courant et que j'en suis fier. C'est ainsi que je vois la Berlin School, comme une mouvance musicale alternative, qu'il faut se donner la peine d'aller chercher pour en apprécier toute sa magnificence. J'ajouterais que ma sensibilité se reflète dans ma musique. Je suis incapable de faire de la musique « commerciale », de la musique « de masse ». Rigueur, sensibilité et créativité sont mes devises. Je vois ma musique comme une transposition de l'ère analogique avec les instruments d'aujourd'hui. Une palette colorée et riche en harmoniques, une peinture musicale.
PR : Le mot de la fin ?
SL : Je tenais à remercier chaleureusement le fanzine pour son soutien et cette agréable interview.
Propos recueillis par El Jice
Magazine Prog-Résiste Numéro 96 (2019)